Colloque international
École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT)
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Equipe de recherche EA 7345 Clesthia
1er et 2 décembre 2016
Traduire, écrire, réécrire dans un monde en mutation
Les questions de l’écriture et le problème du sens ont toujours primé chez le traducteur. Elles nécessitent un parcours, un chemin, des détours, des ruptures, tout comme le travail de la pensée qui serait donc un travail de distanciation, de séparation.
Si nous partons de la conception selon laquelle la traduction n’est pas une pâle copie de l’original mais une création, fruit d’une herméneutique textuelle qui conduit progressivement à l’autonomie et à la plénitude de la traduction, et une occasion de déconstruire plusieurs concepts clefs comme le modèle, l’origine, il semble évident en fin de compte que ce qui importe ici, c’est le texte transformé, le texte second ainsi que le processus de transformation du texte, ce que le traducteur en fait, et non ce que le texte était. Autrement dit, comme l’a suggéré Antoine Berman à propos des textes littéraires, chaque traduction révèle un pan du texte original, qu’il met en valeur, grâce à l’espace-temps qui sépare les deux textes et qui permet de questionner leur nature et les conditions de leur interprétation. Le texte traduit aide le lecteur à mettre à nu le texte d’origine. Au final, comme le dirait Jean Szlamowicz (2011), le texte source et le texte cible se sont accrus de leur expérience du passage, de l’épreuve du passage.
Cette conception de l’acte de traduire en tant que réécriture est à rapprocher de l’expertise du rédacteur. Elle ne concerne pas que les textes littéraires, mais également les textes pragmatiques, professionnels ou de spécialité, qui nous intéressent en particulier ici et auxquels nous circonscrirons notre analyse. Mandaté pour produire l’écrit, le rédacteur se distingue de l’énonciateur, qui prend réellement la parole et assume les propos. Ce qui signifie que le rédacteur adapte son texte pour transmettre le message de l’énonciateur, du mandant, sans se prononcer sur la valeur de l’acte d’énonciation. Son texte sera jugé pertinent s’il y a adéquation entre « le vouloir dire » du mandant et son propre dire. Comme le traducteur, il est responsable du contenu et doit être capable de justifier ses choix (Beaudet & Smart, 2002).
Cette adéquation sociocognitive d’un message à ses destinataires constitue le noyau dur de l’expertise communicationnelle et soulève, à l’ère de la mondialisation, des enjeux de formation complexes appelant une réponse adaptée. Car ces écrits, qui s’intègrent dans un réseau de textes écrits, réécrits, lus et objets de discussions nombreuses, sont le résultat d’une pratique langagière et impliquent, pour le traducteur comme pour le rédacteur, que l’on s’approprie à travers la lecture et l’écriture des manières de faire et de penser propres aux différents domaines. Cela revient à tenir compte du genre d’écrit, du sujet, des enjeux rhétoriques (le message principal) et pragmatiques (les effets escomptés) ainsi que du lectorat visé. C’est en ce sens que les approches fonctionnalistes de la traduction en général (Nord, 1997) incitent le professionnel à considérer prioritairement la fonction du texte, sa « visée » ainsi que ses lecteurs, pour atteindre le but suggéré par le texte original et « rétablir ainsi un équilibre communicationnel rompu par la traduction » (Bastin, 1993).
C’est sur la base de ces considérations que le rôle que jouent ces « écrivants » mérite d’être étudié, afin de proposer des formations universitaires adaptées aux futurs artisans de l’écrit. Tel est l’objet de la rédactologie, qui se définit comme un « champ de recherche interdisciplinaire ayant pour objet d’étude l’ensemble des processus et connaissances impliqués dans la production des écrits professionnels et leur adéquation aux destinataires » (Labasse, 2006). En analysant l’acte d’écriture sous toutes ses formes (édition, médias, arts, nouvelles technologies, milieux institutionnels, etc.), la rédactologie soulève des questions autour de concepts fondamentaux comme l’auctorialité, le public, l’ethos, l’identité et la langue. Son évolution est marquée par le rôle dynamique de l’écrit comme outil de communication dans une économie du savoir, par la transformation des pratiques d’écriture induites par les technologies numériques, ainsi que par le partage et la diffusion généralisés des contextes et contenus. Il va de soi que, au sein de ce vaste univers, les traducteurs et leurs traductions forment aussi « un noyau extrêmement actif, alimentant les différents secteurs tout en étant alimenté par eux » (Nakbi, 2002).
Nous souhaitons engager une discussion autour des axes suivants (liste non limitative et non exhaustive) :
1. Les enjeux que soulève la traduction-rédaction des discours professionnels et institutionnels ;
2. Le rôle des traducteurs-rédacteurs dans la stratégie de communication des entreprises et des institutions ;
3. Les compétences qui s’avèrent nécessaires pour intégrer ce vaste marché ;
4. L’apport de la rédactologie à l’acquisition de la compétence de traduction, notamment dans sa composante scripturale, et les relations qu’entretiennent traductologie et rédactologie.
Plus généralement, ce colloque se veut une ouverture pluridisciplinaire qui entend chercher des éléments de réponse aux questions suivantes : dans ce contexte, y a-t-il place pour un discours exempt de marqueurs précis de nature nationale, régionale et qui ne soit pas infléchi par les normes d’une langue « dominante » ? Qu’est-ce que traduire, écrire, réécrire dans un milieu de travail collaboratif, ergonomique, favorable à l’inventivité et adapté à cette hausse des besoins de communication multilingue dans les organisations ?
Langues du colloque : anglais/français.
Les propositions de communication (250-500 mots) sont à envoyer à :
This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it. et/ou This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it. et/ou This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it. avant le 30 septembre 2016.
Bibliographie :
Bastin, G., « La notion d’adaptation en traduction », Meta, vol. 38, n° 3, 1993, pp. 473-478. Disponible en ligne : https://www.erudit.org/revue/meta/1993/v38/n3/001987ar.html.
Beaudet, C. & Smart, G. (dir.), « Les compétences du rédacteur professionnel/The expertise of professional writers », Technostyle, vol. 18, n° 1.
Folkart, B., Le Conflit des énonciations. Traduction et discours rapporté. Montréal: Les Éditions Balzac, 1991.
Labasse, B., La communication écrite. Une matière en quête de substance. Lyon: Editions Colbert, 2006.
Mossop, B., « The Translator as Rapporteur: A Concept for Training and Self-improvement », Meta, vol.28, n° 3, septembre 1983, pp. 244-278. Disponible en ligne : https://www.erudit.org/revue/meta/1983/v28/n3/003674ar.html.
Nakbi, K., « La rédactologie : domaine, méthode et compétences », ASp, vol. 37-38, 2002, 15-26. Disponible en ligne : http://acseg.univ-mrs.fr/redactologie/IMG/pdf/la-redactologie-domaine-methode-et-competences.pdf.
Nord, C., La traduction : une activité ciblée. Introduction aux approches fonctionnaliste. Traduit de l’anglais par Beverly Adab. Presses Université d’Artois, 2008.
Szlamowicz, J., « L'écart et l'entre-deux : traduire la culture », Sillages Critiques, Vol 12, 2011. Disponible en ligne : http://sillagescritiques.revues.org/2314.
Comité scientifique :
- Georges BASTIN, Université de Montréal, Canada
- Louise BRUNETTE, Université du Québec en Outaouais, Canada
- Fayza EL QASEM, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Séverine HUBSCHER-DAVIDSON, Aston University (Royaume-Uni)
- Susana MAUDUIT-PEIX, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Denise MERKLE, Université de Moncton, Canada
- Freddie PLASSARD, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Myriam SALAMA CARR, Université de Manchester, Royaume-Uni
- Frédérique SITRI, Université de Nanterre – Paris 10
International Conference
Ecole Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (E.S.I.T.)
Université de Paris 3 – Sorbonne Nouvelle
1-2 December 2016
Translating, Writing, Rewriting in and for a World in Flux
Translators have always given precedence to issues of writing and the problem of meaning, which, just like the work of thinking that would amount to detachment and separation, involve a trajectory, detours and disruptions.
Let us take as our starting point that translation is not a pale copy of the original, but rather a creation, a textual hermeneutic, that leads to the progressive emancipation of the translated text and that provides the opportunity to deconstruct several key concepts such as model and origin. It is clear that, in the final analysis, what is important is the transformed text, the second text, as well as the process of textual transformation, i.e. what the translator has done with the text, and not what it was. In other words, as Antoine Berman has suggested with regards literary texts, each translated text reveals, by highlighting it, a part of the original text, thanks to the space-time continuum that separates the two texts, thus allowing us to question the nature of each text and the conditions of interpretation. The translated text helps the reader strip the original text bare. In the end, as Jean Szlamowicz (2011) would say, the source text and the target text have gained from the experience and challenge of transfer.
The process of translation as rewriting corresponds to the writer’s remit. Involving not only expressive texts, it also includes audiomedial, informative and operative texts, which are particularly pertinent to the conference theme and frame our analysis. Mandated to produce a written text, the writer can be distinguished from the person responsible for the actual speech act who translates ideas into words, which means that the former adapts his text to transmit the latter’s – the client’s – message, without judging its value. The writer’s text will be deemed satisfactory if it renders the speaker’s intended message. Like the translator, the writer is responsible for content and must be able to justify his choices (Beaudet and Smart, 2002).
Socio-cognitive relevance of a message to its target audience is the hard core of communicational competence and raises, in the era of globalisation, complex training issues that call for an appropriate response. Writings, which are integrated into a network of written, rewritten and read texts that are also the object of numerous discussions, are the result of a language practice. They require that the translator and the writer appropriate ways of doing and thinking specific to different fields through reading and writing. This comes down to taking into account the genre of the text, the subject matter, rhetorical (the dominant message) and pragmatic (expected results) challenges in addition to the target reader. It is along these general lines that functionalist approaches to translation (Nord, 1997) encourage professionals to prioritize the function of the text, its intention along with its readers in order to attain the objective suggested by the original text and “restore the balance of communication disrupted by translation” (Bastin, 1993).
Based on these considerations, the role that translator-writers play in the age of globalisation deserves study in order to propose university training programmes adapted to our future artisans of writing. This is the aim of the discourse and writing studies discipline that is defined as a field of interdisciplinary research having as an object of study all of the processes and knowledge involved in the production of discourse, writing and communication adapted to the intended audience (Labasse, 2006). By analysing the writing act in all of its forms (books, media, the arts, new technologies, journalism, institutional settings, etc.), discourse and writing studies raises questions about such fundamental concepts as authorship, audience, ethos, identity and language. Its evolution is marked by the dynamic role of writing as a tool of communication in a knowledge economy, by the transformation of writing practices brought about by emerging numerical technologies, as well as the globalisation of contexts and contents. Within this vast universe, it is obvious that translators and their translations also form an extremely active core, feeding various sectors while being fed by them (Nakbi, 2002).
We would like to initiate a discussion around the following issues (an open-ended and non-exhaustive list):
1) The contribution of translation to discourse and writing studies, and vice-versa, from the point of view of writing competence;
2) the role of translator-writers in business and institutional communication strategy;
3) the technical challenges raised by the translation and writing of this type of discourse, and
4) the skills required to enter this vast market.
More generally, this conference aims to promote multidisciplinarity in order to seek out answers to the following questions: In the context of globalisation, is there a place for a borderless discourse that would be devoid of precise national, regional markers and no longer submitted to dominant language norms? What does it mean to translate, write and rewrite in a collaborative and ergonomic working environment that is favorable to inventiveness and adapted to the increased need for multilingual corporate communications?
The conference languages are English and French. Proposals (250-500 words) are to be sent to This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it., et/ou This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it. before end of september
Bibliography
Bastin, G., “La notion d’adaptation en traduction,” Meta, vol. 38, n° 3, 1993, pp. 473-478. On line: https://www.erudit.org/revue/meta/1993/v38/n3/001987ar.html
Beaudet, C. & Smart, G. (ed.), “Les compétences du rédacteur professionnel/The expertise of professional writers,” Technostyle, vol. 18, n° 1, 2002. On line: cjsdw.arts.ubc.ca/pdf/V18-n1-2002
Folkart, B., Le Conflit des énonciations. Traduction et discours rapporté. Montréal: Les Éditions Balzac, 1991.
Labasse, B., La communication écrite. Une matière en quête de substance. Lyon: Editions Colbert, 2006.
Mossop, B., “The Translator as Rapporteur: A Concept for Training and Self-improvement,” Meta, vol. 28, n° 3, 1983, pp. 244-278. On line: https://www.erudit.org/revue/meta/1983/v28/n3/003674ar.html.
Nakbi, K., “La rédactologie : domaine, méthode et compétences,” ASp, vol. 37-38, 2002, pp. 15-26. On line: http://acseg.univ-mrs.fr/redactologie/IMG/pdf/la-redactologie-domaine-methode-et-competences.pdf.
Nord, C., La traduction : une activité ciblée. Introduction aux approches fonctionnalistes. Traduit de l’anglais par Beverly Adab. Arras: Presses Université d’Artois, 2008.
Szlamowicz, J., “L’écart et l’entre-deux : traduire la culture,” Sillages Critiques, vol. 12, 2011. On line: http://sillagescritiques.revues.org/2314.
Scientific Committee:
- Georges BASTIN, Université de Montréal, Canada
- Louise BRUNETTE, Université du Québec en Outaouais, Canada
- Fayza EL QASEM, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Séverine HUBSCHER-DAVIDSON, Aston University United Kingdom
- Susana MAUDUIT-PEIX, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Denise MERKLE, Université de Moncton, Canada
- Freddie PLASSARD, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- Myriam SALAMA CARR, University of Manchester, United Kingdom
- Frédérique SITRI, Université Paris Ouest Nanterre